L'avenir de Chelsea FC et de l'oligarque qui possède le club depuis 2003 semble plus incertain que jamais : alors que l'étau se resserre autour des oligarques et des intérêts russes, Roman Abramovitch a confié samedi la gestion du club aux administrateurs de sa fondation caritative. Cette annonce, dont les conséquences réelles ne sont pas encore claires, a suscité critiques et confusion pour le club, champion d'Europe la saison dernière. Le milliardaire de 55 ans, devenu l'un des hommes les plus riches de Russie sur les ruines de l'URSS et dont la fortune est estimée à plus de 13 milliards de dollars par Forbes, compte bien rester propriétaire et conserver ses parts.
Selon Thomas Tuchel, qui s'est exprimé dimanche, le fonctionnement du club ne souffrira pas du retrait d'Abramovitch, puisque la directrice générale du club Marina Granovskaia et son conseiller technique Petr Cech resteront à leur poste. Le journal britannique The Telegraph et la chaîne BBC ont toutefois assuré que certains membres de la fondation caritative de Chelsea avaient exprimé leur malaise à l'idée de reprendre la direction du club.
Sanctions
Malgré les nombreuses sanctions annoncées par le Royaume-Uni contre les banques et oligarques russes liés à Vladimir Poutine, Abramovitch est jusqu'à présent passé entre les mailles du filet. La députée libérale-démocrate Layla Moran a toutefois déjà demandé au Parlement que le milliardaire russe soit sanctionné en tant que confident "clé" de Poutine. Comment Chelsea se positionnera-t-il en cas de sanctions à son encontre ?
L'avocat spécialisé dans le sport Stephen Taylor Heath a déclaré : "D'un point de vue juridique, la gestion ne signifie rien d'autre que la supervision ou la prise en charge de quelque chose". "Si le gouvernement décide qu'Abramovitch ne peut pas contrôler le club, la Premier League doit immédiatement décider si la propriété du club a effectivement été transférée à la fondation", a-t-il ajouté. Selon la société mère du club, Fordstam Ltd, les prêts à faible taux d'intérêt accordés par Abramowitsch au club s'élèvent à plus de 1,5 milliard de livres (près de 1,8 milliard d'euros).
Un succès sans précédent
Depuis l'arrivée d'Abramovitch en 2003, Chelsea a connu un succès sans précédent : cinq Premier Leagues et autant de victoires en Coupe d'Angleterre, deux Champions Leagues, autant d'Europa Leagues et un championnat du monde des clubs. Avant le rachat du club par Abramovitch - le premier du genre, avant que les investissements étrangers n'affluent dans le football anglais et ne fassent exploser les transferts et les salaires - les Blues n'avaient qu'un seul titre de champion d'Angleterre à leur actif. Pendant les années d'or avec José Mourinho comme entraîneur, Abramovitch se rendait régulièrement à Stamford Bridge, mais ses apparitions au Royaume-Uni se sont faites plus rares depuis que son visa d'entrepreneur n'a plus été renouvelé en 2018.
Depuis lors, le projet de rénovation du stade a également été mis en veilleuse. Mais lorsque la pandémie a décimé les caisses de nombreux clubs européens, Chelsea a dépensé quelque 220 millions de livres (plus de 260 millions d'euros) en transferts à l'été 2020, ce qui a pesé lourd dans la victoire de sa deuxième Ligue des champions au printemps suivant. Lors de la finale au Portugal contre Manchester City, Abramovitch, qui possède un passeport portugais, avait célébré la victoire aux côtés des joueurs sur le terrain.
Le 12 février, le club a également remporté pour la première fois la Coupe du monde des clubs à Abu Dhabi, décrochant ainsi le dernier titre de l'ère Abramovitch qui manquait encore à son palmarès. "Photo parfaite", avait tweeté le club sous une photo du Russe brandissant le trophée. Mais après des années où Chelsea a pu surfer sur la fortune d'Abramovitch, le club doit peut-être maintenant tenter de s'éloigner de l'homme qui l'a porté au sommet du football européen. Dimanche, les joueurs et les supporters ont exprimé leur solidarité avec l'Ukraine lors d'un match à Wembley contre Liverpool. Dans une déclaration publiée le matin même, le club avait indiqué "prier pour la paix", mais n'avait pas mentionné la Russie.